CLAUDIA BB
POINTS SUR LES I
Je prends des notes en réunion.
Je suis là pour ça.
Prendre des notes.
Parfois à la marge, je relève un mot qui me fait penser à un autre et puis un autre.
Je suis attentive pourtant.
Mais les échappées sont plus fortes.
Ni un mot, ni une expression, ni une rêverie .
Une mémoire
Il a suffit d'un petit rond sur le i.
C'est comme ça que je les écrivais les i quand j'étais ado. Les lettres bien rondes et une petite bulle sur les i.
Les lettres se sont durcies avec le temps, amaigries, plus incisives, taillées, tranchantes.
C'est pour ça que je n'y ai jamais pensé au rond sur le i.
Mais tout à l'heure j'ai reconnu l'écriture de ma mère dans la mienne.
La même.
Je me suis souvenue qu'on s'écrivait.
Je me suis souvenue avoir gardé en moi, dans chaque détail à mon insu, ses mots gravés.
J'ai pris des notes.
Mais je ne sais plus de quoi.
DERNIÈRE FOIS
Elle m'a dit je t'aime
et la nuit s'est déchirée
ouverte
entre mes lèvres
ses doigts dans ma chatte plusieurs fois
jusqu'au ventre
ses doigts m'ont baisé
dans ma tête j'étais chienne, salope,
vertigineuse et abyssale
sous sa bouche
sans voix
sans ratures
sans promesses
il ne reste rien
que l'espoir
LE PIRE ET LE MEILLEUR
Puisque raconter c’est se faire aimer, je vais tout te dire.
Les vérités, mais les mensonges aussi.
Les nuits volées et les journées passées au lit.
Celles que l’on tait, que l’on se garde bien de dire.
Quelles sont les paroles nécessaires ?
Entre celles qui comptent et celles qu’on oublie,
Comment faire le tri ?
Puisque se raconter transforme la parole en acte
Et qu’on m’a trop souvent dit que mes gestes manquaient de tact,
Voici des mots qui ont la forme d’une main tendue.
Faut-il saisir toute main venue ?
Faut-il raconter tout ce qu’on l’on a vu ?
Dans ce poème, en tout cas, je te dirai tout ce que j’ai cru.
Les mots doux d’abord
Ceux auxquels on a envie de répondre encore
Les promesses d’éternité,
Qui malgré elles n’ont jamais le gout de la vérité.
Les mensonges au petit matin déchus,
Qu’on fera semblant de ne pas avoir un trop cru.
Puisque raconter, c’est se faire aimer, alors je te prie de tout me dire.
Pour le meilleur et pour le pire.